En début de pratique, en yoga, on formule traditionnellement une intention. Pas seulement dans les pratiques méditatives. Dans toute pratique. En début de saison, il est important de réfléchir à une intention, pour la convertir en résolution et la mener à bien sur le long terme. Le yoga appelle sankalpa le fait de formuler une résolution intérieure à réaliser, tôt ou tard, dans sa vie. Avoir une intention est un peu différent d’avoir un but. L’intention crée une aimantation dans une certaine direction, mais sans pression aucune pour ”obtenir” un ”résultat”. Comme une boussole, qui pointe vers le nord magnétique, le sankalpa guide et les efforts d’approche et les réoriente. Le yoga est une discipline qui n’engage que soi, mais son enjeu est bien un engagement envers soi : la réalisation de sa vraie nature.
Initier ou revisiter une intention en début d’année donne une autre dimension à sa pratique. Il ne suffit pas de suivre des cours régulièrement pour construire des effets profonds : il faut en voir l’intention. On vient au yoga avec une motivation : diminuer son stress, entretenir sa souplesse, mieux dormir, etc. On pense généralement aux effets que l’on attend, rarement à ce que le yoga va exiger de nous. Pourtant, c’est une discipline qui pose d’emblée ses propres conditions. Elles sont exposées dans de nombreux textes, dont le plus connu : les Yoga-Sutra. Il est, bien sûr, possible de faire le choix de les ignorer.
Il est aussi possible, de faire le choix de les explorer, de donner un sens à sa pratique, pour réaliser les potentialités peut-être insoupçonnées que le yoga vous permet de toucher, à travers des techniques éprouvées depuis des siècles – dont certaines sont à présent validées par les neuro-sciences. N’exigeant en retour que votre pleine implication dans un effort continu d’attention : envers les instructions transmises d’une part, et envers vos propres perceptions, d’autre part. Tout ce que le yoga va exiger de vous est votre pleine présence dans tout ce que vous faites pour engager la posture et coordonner l’ajustement d’un instant à l’autre. Qu’il s’agisse de vous installer pour une longue relaxation, comme en yoga-nidra, ou de réaliser une posture exigeante, tout passe par le ”corps”. Or en yoga, tout est ”corps” : le corps de nourriture, que nous appelons ”corps physique”, le corps d’énergie, le corps d’intelligence… Et ces différents corps doivent être ”alignés” et ”synchronisés” pour fonctionner harmonieusement. Médecine indienne et yoga ont les mêmes fondements. Si nous regardons le yoga à partir d’une lorgnette matérialiste et dualiste, il est effectivement difficile de comprendre comment il se structure. Pour comprendre, il faut regarder à partir d’un autre endroit. Lequel ? C’est précisément l’enjeu du yoga.
La posture de yoga n’est pas que physique et vous demande de vous positionner en vous-même ailleurs que d’habitude : en dehors du ronron mental automatique qui, en réalité, vous coupe de vos sensations. Cette position ”intériorisée” qui permet d’observer, de ressentir et de mettre en œuvre des actions est justement ce qui met l’activité mentale automatique en silencieux. Et repositionne, de fait, votre attention éveillée plus au centre de vous-même. Ce n’est qu’à ce prix que la détente arrive : parce que s’ouvre une autre perspective, sur un autre espace : le cœur profond de votre être. De nombreux textes décrivent cet espace mystérieux comme étant, de part en part, ”être-conscience-joie”. La détente arrive parce que vous touchez votre plan profond qui, par nature, est un bloc de détente pure, hors d’atteinte de toute forme de perturbation. Elle n’a pas été fabriquée par votre intention. Votre intention, comme un fil d’Ariane, vous a simplement ramené-e à la maison.
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”Alors, ce-qui-regarde repose dans sa forme propre.” Yoga-Sutra I,3